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Film : "Nunatak", expédition à ski dans les montagnes sauvages du Yukon

Catégorie Actus polaires
Date 24/10/2022
Auteur Caroline
C’est dans les montagnes immenses et sauvages du Yukon, dans le massif des Icefields, que 5 Français décident de se rendre pour vivre une aventure exceptionnelle, ouvrir des lignes sur des sommets encore méconnus et surtout, prendre un maximum de plaisir à skier. Parmi eux, Sébastien Overney, guide arctique 66°Nord, a fait partie de l’expédition et nous raconte ici leur aventure et nous présente leur film "Nunatak".
66°Nord est partenaire de l'expédition
Dans le massif des Icefields ©Julien Colonge

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Sébastien Overney, j’habite aux Contamines-Montjoie en Haute-Savoie, j’ai 38 ans. J’ai été encadrant pour 66°Nord en Norvège, au Spitzberg et au Groenland. A présent je suis pisteur-secouriste dans la station des Contamines-Montjoie et aide-gardien dans le refuge du Nid d’Aigle dans le massif du Mont-Blanc. Ça fait des années que je skie et que je m’investis à la fois dans le milieu du ski et dans le voyage à ski.
Sébastien Overney ©Julien Colonge

Comment est né ce projet ?

L’idée de ce voyage à ski dans le Yukon est née grâce à Julien Colonge. Il m’a proposé de l’accompagner dans cette aventure pour mes compétences en logistique dans le froid, en réalisation d’un camp de base dans la neige, en connaissances de milieux isolés... donc pour mon expérience en tant qu'encadrant au sein de 66°Nord. Il m’a aussi invité en tant que skieur bien sûr. L’idée a germé il y a 4 ans, entre lui et Claude qui cherchait à topographier des sommets méconnus au Yukon, et ça a réellement commencé à se mettre en place il y a 3 ans. On avait réussi à gagner des bourses d’expédition pour nous aider financièrement à partir et puis il y a eu le Covid. Une fois que la pandémie s’est calmée, on a quasiment dû tout reprendre à zéro, sauf pour nos partenaires qui nous suivaient au niveau matériel, dont 66°Nord. Ce qui est super important de savoir par rapport au film, c’est qu’ il n’y a pas de professionnels du ski dans le film . On n'est pas des sportifs professionnels, on a tous un métier à côté. Le projet a donc été mené en plus de notre travail. Une fois tout bouclé, il a ensuite fallu chercher le matériel. C’est notamment 66°Nord qui nous a fourni une partie de l'équipement grand froid : sorel, duvets, réchaud à essence. Ce matériel prêté, c’est exactement le matériel que les voyageurs 66 utilisent durant leur voyage en Arctique , et tout le monde en était très content.
Préparation de l'expédtion ©Julien Colonge

Le matériel d'expédition prêt ©Julien colonge

Pourquoi avoir choisi les Icefields pour skier ?

C’était un rêve de gamin. Après, c’est aussi un rêve pour pas mal de skieurs d’aller rider dans les montagnes proches de l’Alaska. Nous, on était côté canadien, dans le massif des Icefields, près du Mont Logan (5 959 mètres d’altitude). On campait sur le glacier Walshe qui fait environ 85 km de long et 12 km de large. Ce sont des endroits qui nous permettent d'être très isolés. Peu de sommets ont été faits à ski ou même en alpinisme. Ils nous permettent d’ ouvrir des lignes aussi bien à la montée qu’à la descente. C’est quand même le rêve de pas mal de skieurs. Tout est tellement immense là-bas, la dimension est très différente des Alpes.
Massif des Icefields dans le Yukon ©Julien Colonge

Comment y êtes-vous allés ?

On s'est rendu en avion dans le Yukon et ensuite on a pris un petit avion assez mythique pour se rendre sur notre camp, à 3 000 mètres d'altitude. On avait 650 kilos de matériel avec nous, notamment le matériel pour filmer. On a mis quasiment un jour et demi pour pouvoir être déposé, la fenêtre météo pour permettre d'atterrir était courte. Cet avion est particulier, car c’est le seul avion qui permet de monter et de poser des gens à 5 000 mètres d'altitude , en tout cas dans le Nord canadien. C’est un avion qui fait partie de l'histoire du Yukon . Il y a des pilotes qui viennent du monde entier pour conduire ce petit avion. Il est d’origine.
Petit avion des Icefields ©Julien colonge

Quel était l’objectif de cette expédition ? Qu’êtes-vous allés chercher là-bas ?

Il y a la partie ski bien sûr, avec l’ouverture de lignes. Pour ma part, ayant travaillé avec 66°Nord, le fait d' être totalement isolé dans un milieu hostile avec la glace et le froid , je connaissais, mais pas les copains et ça c’est quelque chose qui les a motivés et qui leur tenait à cœur à vivre au moins une fois dans leur vie. On est des gens ordinaires et en se donnant les moyens, avec de la motivation et du travail, on peut se permettre de toucher à des choses extraordinaires. On veut faire passer comme message dans ce film et avec cette aventure que ce n’est pas réservé à une élite. Si t’es passionné, si t’es motivé et que tu bosses pour ça, ça marche, et tout le monde peut le faire, à son niveau.
L'équipe de Nunatak ©Julien colonge

Y a-t-il besoin d’aller si loin pour vivre une telle expérience ?

Non. Je conseille déjà à tout le monde, en fonction de son niveau, déjà d’ aller près de chez soi , de poser sa tente, prendre ses peaux de phoque, et de se rendre compte déjà de ce à quoi peut ressembler une aventure. Pour être isolé, par contre, la dimension à laquelle on est confronté, il n'y a pas 36 endroits dans le monde. Là où on est allé c’est immense , il y a de grosses montagnes, tout est encore hyper préservé, hyper sauvage . Et pour avoir skié là-bas, le premier virage que tu fais en terme de sensation, tu sais que tu n'es pas dans les Alpes, ni dans les Pyrénées. Il y a une sensation d’isolement qui est vraiment intense. Le massif dans lequel on était est grand comme la Suisse et on était quasiment les seuls dedans. La base de la montagne fait la taille du massif du Mont-Blanc. On n’a jamais skié en-dessous de 3 000 mètres d'altitude . Dans ce contexte, ton curseur de prise de risques, tu le revoies vraiment à la baisse, surtout quand tu sais que les secours sont à 24h par hélico minimum.
Seul dans les Icefields ©Julien colonge

Quelles étaient les conditions sur place ?

On est arrivés en pleine tempête. Donc on a creusé la neige fraîche pour arriver au fond dur du sol et avec la neige très froide on a pu faire des cubes et s’enterrer derrière ces murs, à la fois contre le vent et contre le soleil. Car sur un glacier avec un jour presque permanent, à la fin, le soleil, t’en peux plus. Quand il tape sur les tentes, ça chauffe fort à l’intérieur. Donc ça permet aussi de créer des zones d’ombre et de mettre ton matériel à l’abri. Après, on a eu 7 jours d'anticyclone, grand beau, peu de vent, des conditions rares d’après Claude qui vit au Yukon depuis 20 ans. En termes de lumière, il faisait jour de 2h du matin à 23h. Donc c’était le quasi jour permanent. Quand le soleil arrivait sur le glacier, ça chauffait vite, mais sans soleil, on pouvait avoir des amplitudes de 20°C. On passait alors de +5°C à -20 °C en 30 minutes.
Camp de base de l'expédition ©Julien Colonge

Quels étaient les dangers là-bas ?

Le fait d'être sur le glacier déjà, il y a toujours le risque des crevasses , des ponts de neige où on dirait que la crevasse est recouverte et en fait pas forcément. Donc on était toujours encordé sur le glacier , avec notre kit de sécurité pour être autonome et pouvoir sortir n’importe qui d’une éventuelle chute en crevasse. C’était ça le principal danger autour du camp et pour les approches. Concernant les avalanches, à cette altitude-là, le risque est assez faible, car on avait les mêmes conditions qu’au printemps en haute montagne dans les Alpes. C’est-à-dire une neige tassée qui gèle et dégèle en fonction du jour et de la nuit. Du coup ça crée un manteau neigeux pas hyper agréable à skier, mais qui permet de monter et descendre sans trop se préoccuper de ce risque-là. Par contre le fait qu’il y ait moins de neige, plus des températures qui remontent, il y avait le risque des chutes de séracs . Donc durant nos ascensions, notre plus grosse préoccupation était de ne pas être exposé aux chutes de séracs des glaciers suspendus.
Encordés sur le glacier ©Julien Colonge

Peux-tu nous en dire plus sur les sommets que vous avez faits ?

On était venu pour skier. On n’avait pas de sommets définis avant d’y aller. Le but était vraiment de skier et de prendre un max de plaisir. Du coup, le premier jour on a décidé de skier une montagne pas trop raide, pour se mettre en jambe. Déjà, du camp à la montagne, il y a 4 ou 6 km et la face faisait 900 mètres, ce qui représente à peu près la face Nord des dômes de Miage, ou la voie Mallory à l’Aiguille du Midi. Et de notre camp c’était la montagne la plus petite qu’on avait devant nous et la plus proche ! Donc on s’est dit " on part à tel horaire et on sera là à telle heure" . Mais en fait au bout de 3h de montée, on n’avait fait que la moitié. La montagne était grande.
Ascension ©Julien Colonge

Pour les premières antécimes, elles n'avaient jamais été gravies ou skiées, donc on a pu nommer chacune de nos descentes, ainsi que les sommets. En 7 jours, on a dû ouvrir une douzaine de lignes. On a réussi à pas mal skier. La neige était très technique à skier, car c’était de la neige de printemps, mais on a choisi de minimiser au maximum les risques liés à l’exposition et à la chute. On était quand même toujours entre 3 200 et 4 800 mètres d’altitude et la plus petite descente là-bas était quasiment la plus grande que tu peux avoir dans les Alpes. Avec le jour permanent, il a aussi fallu se réadapter et changer ses habitudes car les orientations changent. On a pu skier en face Nord à 19h par exemple.

Avez-vous rencontré des difficultés ?

On a eu la chance d’avoir de super conditions ce qui fait qu’on n’a pas été confrontés à beaucoup de difficultés et on était bien préparés. Finalement, les plus grandes difficultés ont été d’être déposés et récupérés par l'avion avec les 650 kilos de matériel. Il faut que toutes les conditions soient réunies pour que ce soit réalisable. Un jour, ils nous ont appelé et nous ont dit “ écoutez, il y a une tempête qui arrive pile sur votre bassin où se situe votre camp, on peut venir vous chercher demain. A vous décider, car si les vents s'accélèrent, on ne sait pas si elle va durer 3 ou 8 jours ”. Avec mon expérience en tant que guide arctique avec 66°Nord , j’ai déjà connu des tempêtes au Spitzberg , j’en ai aussi connu quelques unes dans les Alpes. Claude aussi est habitué à ce milieu-là. Et là, c’était un front fort et très incertain qui arrivait. Avec Claude, on était tous les deux d’accord pour déguerpir le plus vite possible . L’avion ne pouvait nous récupérer qu’à 2 km de notre camp, il fallait donc tout plier et déplacer les 650 kg de matériel. Finalement, nos plus grosses difficultés ont été dans le transport et n’ont pas forcément été celles qu’on avait imaginées.
Montagne du camp et tempête ©Julien Colonge

Qui sont les membres de l’équipe ?

Nous étions 5 :
  • Claude Vallier : chef de l'expédition. C'est un Français qui vit au Yukon depuis 20 ans. Cette rencontre m’a marqué. C’est une personne en or. C’est un vrai coup de cœur et c’est ce voyage qui nous a permis de le rencontrer. Le voyage, c’est aussi des rencontres.
  • Julien Colonge : instigateur du voyage. Il vit vers Cap Breton et est originaire de Samoëns. Il est moniteur de ski l’hiver et ingénieur le reste de l’année.
  • William Mermoud : réalisateur et cadreur, originaire des Contamines-Montjoie.
  • Antoine Bouvier : bon pote de montagne avec qui j’ai fait pas mal d’alpinisme. Il est ingénieur produit et c’est aussi un ancien champion du monde de telemark.
  • Et moi-même, Sébastien Overney.
Equipe Nunatak ©Julien Colonge

Où peut-on voir le film Nunatak ?

Le film va être projeté dans pas mal de festivals. Il a déjà été projeté au High five à Annecy. Il va ensuite être projeté dans ces festivals :
  • Jeudi 27 octobre SNOWMOVIES Mountain Store à Passy
  • Vendredi 28 octobre, séance 9 à XPlore Festival à Bourg Saint-Maurice
  • Samedi 29 octobre, séance 3 XPlore Festival à Tignes
  • Jeudi 1er décembre, ouverture de l’iF3 à Chamonix
En langue inuit, Nunatak désigne les zones rocheuses qui ne sont pas touchées par les glaciers. Et dessus, on y trouve des pikas. Ces petits mammifères arrivent à vivre à 3 000 mètres d'altitude à l’année. Dans cette expédition à ski, notre Nunatak c’était notre camp et nous, on était les 5 pikas. L’idée c’était ça.
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